• Sur le site humanite.fr, le 1 juin, par Frédéric Sugnot

    Stéphane Houdet "Les roues du fauteuil sont mes jambes..."

    Stéphane Houdet, numéro 1 mondial, gagne toujours dans un fauteuil. Celui dans lequel il s’aligne à partir de demain sur les courts de la porte d’Auteuil.

    Champion du monde de tennis-fauteuil avec l’équipe de France le week-end dernier à Tokyo, Stéphane Houdet, numéro 1 mondial de la discipline, enchaînera dès demain avec le tournoi de Roland-Garros. Un Grand Chelem parisien qu’il a déjà remporté à deux reprises en simple (2012 et 2013) et cinq fois en double. Bref, à 46 ans, cet ex-vétérinaire devenu tennisman à temps complet quelques années après avoir été amputé de la jambe gauche suite à un accident de moto, sera en lice sur la terre battue du Stade des Mousquetaires, non seulement pour « l’emporter » mais aussi pour prêcher la bonne parole du tennis-fauteuil.

    Une question de béotien pour commencer, que représente Roland-Garros dans une saison de tennis-fauteuil ?

    Stéphane Houdet Pour moi, et c’est sûrement un peu parce que je suis français, c’est l’apothéose de la saison. Mais chaque tournoi suit un autre… Alors, si ça ne marche pas à Roland-Garros, on sait qu’il y a Wimbledon derrière et puis un autre tournoi et encore un autre. Il faut gagner, tout le temps.

    Vous diriez donc que la « pression » est la même que celle que connaissent les pros du circuit des « valides » ?

    Stéphane Houdet En fait, je remplacerais plutôt le mot « pression » par « attention » parce que je suis avant tout dans le plaisir du jeu et puis j’ai bossé avant dans la vraie vie. Donc, je sais relativiser l’importance d’un match, d’une victoire ou d’une défaite.

    Vous plaidez pour que les valides s’assoient dans un fauteuil et jouent avec vous, expliquez-nous ça un peu plus en détails ?

    Stéphane Houdet Ce serait le premier pas pour que ce sport devienne olympique et plus seulement paralympique. Il y a effectivement des joueurs valides qui pourraient venir jouer avec nous. Bon, la première fois, c’est vrai, ça ne donne pas envie, on se coince les doigts dans les roues – c’était mon cas – mais ensuite ça devient plus ludique. De toute façon les fauteuils sont de mieux en mieux conçus : on est loin des débuts de la discipline, en 1992, quand les joueurs utilisaient leurs fauteuils de ville, lourds et peu commodes à bouger. Aujourd’hui, des marques automobiles comme BMW construisent des fauteuils très sophistiqués.

    À l’exemple de votre propre fauteuil, grâce auquel vous jouez quasiment en position debout, une sorte de révolution du jeu conçu avec l’Institut de biomécanique de Paris…

    Stéphane Houdet En fait, mon souhait de départ en concevant ce fauteuil était de se rapprocher au maximum de la position des joueurs valides, de pouvoir mieux respirer et d’avoir plus de puissance dans le mouvement en utilisant au maximum le bassin. Il y a encore quelques adaptations à faire mais mon jeu y a gagné. Je me rapproche d’un joueur normal, sauf que les roues du fauteuil sont mes jambes…

    Mais vous pensez vraiment convaincre des valides ou des pros du circuit ATP ?

    Stéphane Houdet Peut-être pas des pros, mais pourquoi pas des joueurs de très bon niveau national, des enseignants de tennis qui pourraient gagner leur vie en nous affrontant. Après tout, une victoire en finale du tournoi de tennis-fauteuil à Roland-Garros, c’est 35 000 euros cette année. C’est un aspect financier qui peut donner une motivation à certains joueurs valides de très bon niveau et ça ne pourrait qu’élever le niveau de notre sport.


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